Champion d’Europe de boxe, Jordy Weiss baigne depuis son plus jeune âge dans le monde des chevaux. Le Mayennais en entraîne dès qu’il en a le loisir, et court même au trot chez les amateurs.
« Quand je veux me vider la tête, je viens là. Sortir les chevaux. »
La voix de Jordy Weiss s’est comme glissée le long des roseaux qui bordent l’étang. Là, c’est un havre de paix. Un haras caché dans la campagne mayennaise, près de Grez-en-Bouère. Le domaine de la famille Mary, qui accueille parfois Jordy Weiss pour des entraînements.
Il y a les anciennes écuries, ornées de râteliers en fer dans les coins. Les poutres en bois le long desquelles viennent nicher les hirondelles au vol rasant. À quelques pas, un bâtiment flambant neuf, aux stalles modernes, avec des bassins où peuvent nager et se détendre les chevaux. L’installation sent le haut niveau.
« On mesurait ta richesse au nombre de chevaux »
Accroché en haut d’un mur, il y a le sulky de Tidalium Pelo, vainqueur du prix d’Amérique 1972, le championnat du monde des trotteurs. Il y a, plus loin, les chevaux alezans et noirs, au milieu des herbes folles et jaunes. La terre ocre des pistes qui vole. Le clap clap clap clap des sabots qui martèlent le sol. Les veines saillantes sous le pelage noir qui fume, blanc.
Jordy Weiss, champion d’Europe de boxe, vient là non pour y soigner sa fièvre du cheval. Mais l’entretenir. Ses yeux brillent quand il parle de la plus belle conquête de l’homme. Membre de la communauté des gens du voyage, il a toujours vécu au contact des chevaux. « Chez nous, on disait qu’on mesurait ta richesse au nombre de chevaux que tu possédais. Si tu en avais deux, c’était comme voir une Ferrari ! Si tu n’en avais qu’un pour tirer ta roulotte, tu allais moins loin. Mon père a connu cette période. Il a toujours eu un cheval dans le champ, à côté de la caravane. Il le regardait manger. Ça détend. »
Des poneys en cadeaux
Jordy a grandi en gamin libre. Plus amoureux des champs que de l’école et de ses bancs. Plus versé dans les pâtures que dans les lectures. « Petit, mes cadeaux c’étaient des chevaux. Des vrais ! On allait à la foire de Lessay, dans la Manche, avec mon père. Il m’achetait un poney. J’avais un petit sulky, et je me baladais avec dans les prés, au milieu des caravanes. Les autres avaient des motos, moi mon poney ! »
Le môme a grandi. Il est devenu n°1 européen. S’entraîne parfois à Londres, New York. Mais il est resté El Gitano, l’amoureux des chevaux. Il « se retrouve » dans ces athlètes qu’il pilote du bout des doigts, du bout de ses gants minces, derrière ses bras musculeux. Le contraste a saisi Charles-Antoine Mary, maître des lieux, proche des dix meilleurs entraîneurs français : « Jordy est très doux avec son partenaire, comme dans la vie. Il est très à l’écoute, et ne demande qu’à apprendre. »
« J’ai les chevaux dans le sang »
« Les chevaux et moi, on se comprend, rebondit Jordy. J’aime leur allure, le côté vitesse. Tu fais des bouts à 60 km/h. Sur un sulky c’est énorme ! J’aime leur classe. Chacun a un caractère différent, comme chez les humains. Les uns ont un gros mental, les autres non, comme chez les boxeurs. » Il quitte son sourire pour un aveu : « Les chevaux, tu es obligé de les aimer. Je les ai dans le sang. »
La matinée s’étirait, le rare soleil d’un jour de juin montait au-dessus des prairies. La fièvre de Jordy n’est pas près de baisser.
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